Le réchauffement climatique est un enjeu majeur auquel doivent faire face dès maintenant nos sociétés. Le stockage souterrain de gaz, et principalement de CO2, est l’une des solutions envisagée pour limiter l’effet de serre. C’est l’une des thématiques de recherche développée par les laboratoires d l’Institut Mines-Télécom et présentée à l’occasion du colloque Ressources naturelles et environnement, qui s’est déroulé le 5 et 6 novembre 2014. Daniel Garcia, chercheur au département Géoscience et Environnement (GSE) de Mines Saint-Etienne, étudie les réactions chimiques induites par l’injection de gaz acides dans le sous-sol.
« Si on veut avoir une certaine efficacité de la lutte contre le réchauffement climatique, il faut de façon massive arrêter d’encombrer l’atmosphère avec du CO2. L’enjeu est donc d’injecter dans les dix prochaines années les quantités adéquates de ce gaz, pour qu’un impact positif sur le climat soit envisageable, » explique Daniel Garcia, chercheur en géosciences à Mines Saint-Etienne. Techniquement, il est déjà possible d’injecter du CO2 dans le sous-sol en vue de ne pas augmenter l’effet de serre : « Ca ne présente pas d’énormes difficultés en termes de sécurité et de surveillance, et les opérations d’injection ne sont pas très différentes de celles effectuées pour l’exploitation des hydrocarbures. »
Quelques dizaines de sites pilotes sont d’ailleurs actifs, mais les plus importants ne stockent qu’environ 1 million de tonnes de gaz par an. Pour impacter le climat, il faudrait intensifier considérablement ce type d’opérations. L’obstacle principal dans le cas d’une opération massive est le coût que représentent les opérations de capture et d’injection. Les chercheurs des écoles essaient donc de diminuer les coûts tout en minimisant les risques pour l’environnement, en effectuant des prédictions sur le comportement futur des sites de stockage.
Assurer le confinement du gaz
Daniel Garcia et ses collègues cherchent à déterminer quel sera l’impact de ces opérations dans le cas des gaz acides : des gaz solubles dans l’eau à haute pression. Ils étudient principalement le CO2, mais aussi d’autres gaz issus comme lui de la production d’énergie, comme H2S. Injecté dans un aquifère profond, le gaz déplace l’eau pour prendre sa place et à son contact se dissout en partie. L’eau, qui en temps normal est neutre ou légèrement basique, devient acide. Au contact des minéraux qui l’entourent, elle induit une série de réactions acide-bases secondaires. « Les modifications induites par ces réactions peuvent avoir des conséquences positives – elles atténuent la perturbation chimique – ou négatives – elles compromettent l’installation ou la qualité du confinement. » Les scénarios qui pourraient engendrer des fuites du gaz hors de la structure qui lui sert de piège sont particulièrement étudiés.
Comprendre et modéliser les processus
L’enjeu est de mieux comprendre ces réactions et de réussir à les modéliser. Pour ce faire, géochimistes et géologues étudient la solubilité des gaz dans l’eau, les mécanismes réactionnels et leur vitesse, et ce dans les conditions souterraines, très spécifiques : « typiquement, au moins 1000 mètres de profondeur, 100 à 300 bar de pression et entre 40 et 60° Celsius ». Il faut aussi prendre en compte les déplacements de fluide dans ces milieux rocheux, qui entrainent des réactions chimiques se propageant dans l’espace et le temps. « Comme on ne peut pas faire d’expériences satisfaisantes, nous faisons beaucoup de simulations et de modélisation de transport réactif pour gaz acide en milieu géologique. »
Des essais concluants sur des sites-pilotes
Les chercheurs en géosciences exploitent également le retour d’expérience sur des installations pilotes, comme celle de Sleipner (Norvège), ou en France, au sud de Pau, dans un ancien gisement de Total. On trouve aussi des essais en Allemagne, en Algérie, et en Amérique du nord. « Sur ces sites sont implantés, en plus des injecteurs de gaz, des forages d’observation où les scientifiques effectuent des mesures et affinent leurs outils de prédiction en les confrontant à la réalité. » Les premiers retours d’expérience de terrain sont concluants : « Nous ne nous étions pas trop trompés sur la qualité des pièges : il n’y a pas eu de fuite. » En revanche, le remplissage des pièges est souvent plus ténu que prévu : « Comme le remplissage est moins compact, il va falloir plus de place pour stocker massivement le gaz. Cela signifie plus de puits annexes pour s’assurer qu’il restera sous contrôle. »
« La difficulté consiste à modéliser l’évolution de ces systèmes à long terme. Il faut extrapoler beaucoup l’information des laboratoires dans le cas des minéraux peu réactifs. » Pour le CO2, on parle de stockage durant 1000 à 100 000 ans. D’où la nécessité d’outils de modélisation prédictive toujours plus fiables et plus précis.
En savoir + sur le colloque Ressources naturelles et environnement
Voir l’intervention de Daniel Garcia en vidéo
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