Une étude internationale, coordonnée par des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de l’Institut de la mer du Pérou (IMARPE), de Télécom Bretagne et du CNRS, a permis de comprendre le rôle majeur joué par la dynamique océanique dans la structuration de l’écosystème marin. La turbulence océanique crée des « oasis » qui concentrent la majorité des organismes marins, du zooplancton aux oiseaux. L’identification de ce processus contribuera, à terme, à améliorer les mesures de gestion spatialisée des ressources marines. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications, le 15 octobre.
Les masses d’eau océaniques sont en perpétuel mouvement. La turbulence océanique crée d’éphémères « oasis », parfois semblables à de petits tourbillons dans les écosystèmes hauturiers. Identifier où et quand ces oasis apparaissent constituait un défi pour les scientifiques, qui disposent de peu d’observations à très haute résolution. Qui, des mécanismes océaniques de grande échelle (quelques dizaines de km, bien identifiés), ou de petite échelle (de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres, largement méconnus), joue le rôle le plus important ? Comment les prédateurs s’adaptent-ils à ce paysage changeant ?
Le fort impact de la turbulence océanique sur les écosystèmes marins
Afin de mieux comprendre la formation de ces oasis, les chercheurs ont recueilli au large du Pérou (zone du courant de Humboldt) des données d’échosondeurs acoustiques, qui permettent d’obtenir, à chaque seconde, des informations sur la turbulence océanique et les biomasses en plancton et poissons. Ces données ont été complétées par des suivis GPS de fous et de cormorans, principaux oiseaux marins au Pérou. Les chercheurs ont ainsi montré que la dynamique océanique de fine échelle joue le rôle principal dans la structuration de l’écosystème marin, du plancton aux oiseaux. En effet, la turbulence crée des « oasis », structures physiques semblables à de petits tourbillons ou à des ondes, qui concentrent les organismes planctoniques (passivement entrainés par les courants). Les poissons, oiseaux et autres prédateurs mobiles, adaptent alors leur distribution à celle de leurs proies dans ce paysage dynamique.
Vers la gestion spatialisée des ressources marines ?
La meilleure connaissance et la quantification de ces processus à petite échelle constituent un pas important dans la compréhension des mécanismes permettant le transfert d’énergie le long de la chaîne alimentaire. Les chercheurs s’attachent maintenant à cartographier les « hotspots » (zones où ces oasis sont les plus nombreuses) afin d’améliorer la délimitation d’aires marines protégées pélagiques. À plus long terme, la prise en considération de ces mécanismes permettra d’améliorer les mesures de gestion spatialisée des ressources marines et les modèles écosystémiques.
Enfin, il est à craindre que le changement climatique, en intensifiant la stratification des océans[1], ne réduise le nombre et l’intensité des structures physiques et n’affecte ainsi les interactions biologiques, du plancton aux grands prédateurs. Ceci pourrait avoir des répercussions négatives sur les populations marines, dont les ressources exploitées.
[1] L’augmentation de la température à la surface de l’eau crée une « barrière » de densité avec les eaux profondes plus froides.
Lire l’article « Broad impacts of fine-scale dynamics on seascape structure from zooplankton to seabirds » de Arnaud Bertrand, Daniel Grados, François Colas, Sophie Bertrand, Xavier Capet, Alexis Chaigneau, Gary Vargas, Alexandre Mousseigne & Ronan Fablet.
Contact
Ronan Fablet, co-auteur de l’article « Broad impacts of fine-scale dynamics on seascape structure from zooplankton to seabirds », professeur au département Signal et communications de Télécom Bretagne – ronan.fablet@telecom-bretagne.eu
Source : Lexians, la lettre d’information de Télécom Bretagne
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