Réseaux sociaux : comprendre les usages numériques

La révolution numérique, avec dans son sillage l’émergence des réseaux sociaux et des données massives, a conduit à une métamorphose d’un grand nombre de secteurs économiques. Les entreprises ont besoin qu’on les aide à développer de nouvelles stratégies adaptées à ces changements. C’est dans cette optique que Christine Balagué, chercheuse à Télécom École de Management et vice-présidente du Conseil National du Numérique, a créé au sein de l’Institut Mines-Télécom la chaire « Réseaux sociaux : création de valeur économique et sociale ».

 

L’avènement du numérique se caractérise par des usages, des données et des phénomènes de mode massifs. Nous assistons à un transfert d’audience des médias traditionnels vers l’Internet. Et, au sein d’Internet, des sites web vers les réseaux sociaux, qui attirent sur leurs différentes plateformes plus d’un milliard et six cents millions de personnes dans le monde(1), dont au moins trente-deux millions en France(2) . Les nouvelles évolutions technologiques, les tablettes, smartphones et autres interfaces tactiles permettent un partage en temps réel de l’information. Les conséquences sont nombreuses pour les entreprises. La communication, la relation client, l’innovation, les études de marché, l’ensemble des métiers du marketing ont été totalement transformés. Les réseaux sociaux qui donnent la parole à tout le monde sont devenus incontournables, mais comment les utiliser ?

 

Utiliser les réseaux sociaux : oui ! mais comment ?

C’est autour de cette question que tournent depuis de nombreuses années les travaux de Christine Balagué. Et c’est dans le but de comprendre profondément les usages du numérique pour proposer aux entreprises des stratégies idoines qu’elle a créé en 2011 la chaire intitulée « Réseaux sociaux : création de valeur économique et sociale ». L’ambition est grande : modéliser les comportements des acteurs sur les réseaux, identifier les usages émergents, étudier la transformation par les réseaux sociaux de la gestion de la relation client et imaginer des outils adaptés au Big data*. Ces quatre axes de recherche occupent une quinzaine de chercheurs de plusieurs disciplines dans les quatre écoles Télécom de l’Institut.

L’essentiel de la recherche sur la thématique « modélisation quantitative » des comportements se fait à Télécom Ecole de Management. Il s’agit de comprendre comment l’information se diffuse au sein des réseaux. Les aspects quantitatifs sont privilégiés dans cette approche. L’enjeu est de pouvoir expliquer et prédire le nombre de comments, de like, de share, de tweets, de re-tweets, de posts, en somme toute l’activité qui sera générée sur les réseaux. La clé de ce modèle est le choix de ses variables explicatives. Certaines sont des variables de structures, comme le page rank, le nombre de hits, la centralité de degré. Mais la théorie des graphes ne permet pas à elle seule d’expliquer la propagation de l’information dans ces réseaux, d’autres variables sont liées aux caractéristiques des individus ou encore au contenu de ce qui se diffuse. Sur les réseaux se dessinent également des communautés, qu’il est pertinent d’identifier. Un pan de la recherche est orienté vers leur détection et l’analyse de ce dont les gens parlent en leur sein. Par exemple, en collaboration avec des chercheurs de Télécom Bretagne, et dans le cadre du projet Open Food System(3), qui porte sur l’influence du numérique sur la cuisine, l’étude des conversations a permis d’identifier des communautés, non nécessairement liées à une plateforme donnée.

Les travaux menés nécessitent le développement d’outils de crawling* et de logiciels de text mining* adaptés aux réseaux sociaux. Des outils dédiés au crawling ont été conçus à Télécom École de Management et une thèse en cours à Télécom SudParis porte sur le crawling massif. Le nombre de fans, ou de followers, est un indicateur pauvre de sens. Disposer de métriques sur l’audience, d’algorithmes sur la mesure des influenceurs et des bonnes variables expliquant le comportement des internautes apporte une réelle valeur ajoutée par rapport aux outils existants et permet en particulier d’indiquer aux entreprises sur quoi concentrer leurs efforts, à quoi être attentif.

La thématique « usages » est étudiée par des sociologues de Télécom ParisTech, selon trois axes principaux : la géolocalisation, les diversités culturelles et le multi-réseaux. Indiquer sa localisation spatiale est un des comportements émergents auxquels les sociologues s’intéressent. Les usages diffèrent d’ailleurs selon les régions du globe et beaucoup d’entreprises sont très intéressées par ces diversités culturelles.

 

La métamorphose de la relation client

C’est à Télécom École de Management qu’est explorée la thématique « gestion de la relation client par les réseaux sociaux ». Celle-ci a été révolutionnée par la possibilité aujourd’hui offerte au consommateur de s’exprimer directement, en temps réel, à tout moment. Nous sommes dans l’ère de l’empowerment des usagers, dont l’expression de l’insatisfaction doit être  maîtrisée. D’où la multiplication des fils Twitter dédiés à la gestion en temps réel de la satisfaction de la clientèle. C’est efficace : les recherches montrent qu’un client qui a exprimé un mécontentement et dont la plainte a été résolue rapidement est cinq fois plus fidélisé par la suite qu’un client lambda. De nouveaux postes répondent à ces nouveaux besoins pour les entreprises, tel celui de community manager*. Un modèle de mesure de son rôle et de son impact sur la satisfaction client a pu être développé.

Enfin, la thématique « Big data », étudiée à Télécom École de Management, s’articule notamment autour de deux projets : Sodatech et Inovagora(4). Sodatech est un projet de monitoring et de CRM 2.0* fondé sur le traitement, à la fois de données d’achats et de données sociales, permettant d’innover dans le domaine de la recommandation. Il repose sur l’idée selon laquelle le comportement d’un individu est aujourd’hui plus influencé par ce que disent ses pairs sur un réseau social ou une plateforme communautaire que par une information officielle d’une marque, d’une entreprise ou d’une institution. L’objectif de Sodatech est de qualifier les internautes actifs sur les réseaux par des métriques innovantes et de détecter les dynamiques d’influence tandis qu’Innovagora a pour ambition de créer des plateformes de crowd-innovation*.

 

La pluridisciplinarité pour atout

Toutes ces recherches répondent à des besoins opérationnels des entreprises. Les travaux de la chaire ont permis d’élaborer de nouveaux algorithmes et des métriques clés pour comprendre et mesurer le comportement des internautes sur les réseaux. Aujourd’hui, le travail porte essentiellement sur l’analyse Big data des réseaux sociaux, dont le champ de recherche est encore très ouvert. Dans ce contexte, la chaire dispose d’un point fort : la possibilité de capitaliser sur la richesse et la diversité des compétences au sein des écoles de l’Institut Mines-Télécom, pour se doter d’une pensée panoramique et articuler des visions très complémentaires. Les apports croisés du marketing, de l’informatique et de la sociologie, des mathématiques, de la physique et de la psychologie permettent de mettre en correspondance des avancées très variées. Vive la pluridisciplinarité !

Se renouveler pour mieux continuer
Lancée en 2011 par Christine Balagué, la chaire « Réseaux Sociaux : création de valeur économique et sociale » est structurée autour d’un programme de recherche sur trois ans. Le premier budget d’un million d’euros, conclu avec les trois premiers partenaires, Danone, Les Pages Jaunes et La Poste, arrive à son terme fin 2014. Une nouvelle phase de financement prolongera la collaboration avec les partenaires historiques ou permettra d’en impliquer de nouveaux. Elle portera sur le Social Internet of Things (SIoT), réseaux sociaux comprenant à la fois des individus et des objets connectés.
https://chairereseaux.wp-test.imt.fr/

Christine Balagué, le numérique pour ADN

« Comment le numérique peut-il être créateur de valeur pour les entreprises ? » Tel est le fil rouge des travaux menés par Christine Balagué, enseignante chercheuse à Télécom Ecole de Management, diplômée de l’ESSEC (1987), de l’ENSAE (1993), de l’Université Dauphine (2000) et Habilitée à Diriger des Recherches (2013). Sa thèse de doctorat en Sciences de Gestion, soutenue en 2005 à HEC, porte sur la modélisation du comportement des internautes grâce aux Réseaux de Pétri. Christine est vice-présidente du Conseil National du Numérique, groupe d’experts saisi régulièrement par le Gouvernement pour réfléchir et rendre des recommandations sur toute question relative à l’impact du numérique sur la société et sur l’économie.

* Glossaire

• Big data : Données massives nécessitant un traitement en temps réel
• Community manager : animateur de communautés sur les réseaux sociaux
• Crawling : technique d’extraction de données sur les sites Internet.
• Text mining : extraction de connaissances dans des textes à l’aide d’algorithmes.
• Crowd innovation : innovation de produits et de services via la création des plateformes numériques destinées à recueillir les avis et les idées des internautes.
• CRM 2.0 : gestion de la relation client (Customer Relationship Manager) via les réseaux sociaux

(1) Source Institut eMarketer, novembre 2013.
(2) Source Institut Médiamétrie, juin 2013.
(3) Projet sélectionné dans le cadre de l’appel « Projets Structurants des pôles de compétitivité » du Programme Investissements d’Avenir (PIA).
(4) Projets sélectionnés dans le cadre de l’appel « Big data » du Programme Investissements d’Avenir (PIA)

Rédaction : Umaps, Frédéric Woirgard

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