Depuis plus d’une décennie, le phénomène des sites web conçus et gérés par des internautes atteints d’anorexie et de boulimie mentale interpelle les professionnels de santé et les décideurs politiques. Une panique morale s’est instaurée autour des blogs et des forums de discussion accusés de prôner l’anorexie (« pro-ana ») et d’inspirer à la maigreur extrême (« thinspiration » ou « thigh gap »). Le rapport Les jeunes et le Web des troubles alimentaires : dépasser la notion de pro-ana http://www.anamia.fr/rapport-les-jeunes-et-le-web-des-troubles-alimentaires-depasser-la-notion-de-pro-ana/ présente les résultats du projet ANR ANAMIA, la première recherche à avoir appliqué l’analyse des réseaux sociaux à l’étude de ces communautés web. Au bout de trois ans d’enquête sur le web anglophone et francophone, ce rapport pourfend plusieurs idées reçues quant à l’isolement social des internautes, à leur refus des soins médicaux, et à l’efficacité de la censure pour empêcher leur radicalisation.
Le projet ANAMIA, animé par Antonio Casilli (Télécom ParisTech/EHESS) et Pierre-Antoine Chardel (Télécom Ecole de Management/Université Paris Descartes) et réalisé par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs en France et au Royaume-Uni, est une recherche fondamentale, commencée en 2010 et financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANAMIA ANR-09-ALIA-009).
Pendant longtemps, il a été impossible d’obtenir des données de qualité sur la fréquentation des sites web portant sur l’anorexie, la boulimie et les autres troubles des conduites alimentaires dont les contenus (textes, photos, échanges…) sont souvent cachés pour contourner la censure. En articulant des outils classiques de l’enquête sociologique (questionnaires, interviews) avec des méthodes innovantes (cartographies de réseaux, simulation multi-agents, visualisations interactives de données), l’étude ANAMIA est la première à permettre une analyse de l’entourage social, des pratiques alimentaires et des usages numériques de personnes atteintes de ces troubles.
Les résultats principaux du projet invitent à repenser la notion même de pro-ana : l’apologie de l’anorexie est loin de représenter la totalité des postures et des pratiques dans ces communautés. De manière générale, ces sites peuvent devenir un complément de sociabilité pour leurs membres, des lieux où ils construisent des réseaux de solidarité pour accéder à des formes de soutien et d’entraide qui ne seraient pas disponibles autrement, et qui s’ajoutent à l’offre de soins proposée par les systèmes de santé. Les internautes refusent rarement les soins ; au contraire, ils recherchent une complémentarité avec le système médical surtout lorsque ce dernier est mal équipé pour les prendre en charge (dans le cas des « déserts médicaux » par exemple).
Pour aller plus loin : télécharger le rapport Les jeunes et le web des troubles alimentaires : dépasser la notion de ‘pro-ana’
Résumé en français : résultats et recommandations du projet de recherche ANAMIA
English summary: results and recommendations of the research project ANAMIA
Le projet ANR ANAMIA : étudier les troubles du comportement alimentaire sous l’angle des sociabilités
Soutenu par l’ANR et coordonné par l’EHESS, l’Institut Mines-Télécom, avec le CNRS, l’Université de Bretagne occidentale et Aix-Marseille Université, ce projet a étudié pendant trois ans les communautés Internet des personnes atteintes de troubles des comportements alimentaires à l’aide de méthodes innovantes d’analyse des réseaux sociaux en ligne et hors-ligne. En savoir plus sur le projet ANAMIA
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