Antonio Casilli, sociologue à Télécom ParisTech et auteur de plusieurs ouvrages dont Les liaisons numériques, vient de publier un article dans la Revue française des sciences de l’information et de la communication pour contrecarrer l’hypothèse de la fin de la vie privée. Il préconise plutôt de parler de redéfinition de cette notion dans le contexte des usages du web social. Cette position résume ses recherches menées dans le cadre du programme de recherche THEOP « Testing the Hypothesis of the End Of Privacy », financé par la fondation CIGREF.
Résumé de l’article
Au sein de la communauté internationale plusieurs voix se lèvent pour dénoncer l’érosion inexorable de la privacy dans le contexte des usages actuels du Web social. L’hypothèse de la « fin de la vie privée » a souvent été présentée comme une évolution spontanée et inéluctable des attitudes à l’égard de la sphère intime dans le contexte des communications médiatisées par les TIC. Mais elle est de fait assimilable à un champ de tensions entre les intérêts industriels des concepteurs de plateformes de socialisation (érigés en « entrepreneurs de morale ») et les stratégies de construction du capital social en ligne des usagers, organisés en collectifs ou en groupes de pression. Autour des paramètres de confidentialité, des conditions d’usage et des algorithmes des services de networking se mène une véritable guerre culturelle. Pour mieux saisir les enjeux et les modalités de ce conflit, notre texte prône un renouvellement de la vision classique de la vie privée (définie comme « right to be left alone ») héritée de la pensée libérale du XIXe siècle, à travers l’adoption d’un modèle de « privacy en tant que négociation ». En proposant une typologie de la vie privée dans laquelle les transformations contemporaines peuvent trouver leur place, nous nous efforçons de montrer que les valeurs de la privacy ont encore de beaux jours devant elles, et que les associations d’usagers et les organismes préposés à la défense de leurs droits ont un rôle important à jouer.
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