Universelles, uniques et immuables, les données biométriques permettent d’identifier une personne à partir de caractéristiques biologiques d’une certaine partie de son corps : empreinte digitale, iris, système veineux, contour de la main… Chercheur à Télécom SudParis, spécialiste en biométrie, Bernadette Dorizzi participera jeudi 18 avril à une rencontre du Café des techniques du CNAM intitulée « Biométrie : le corps comme laissez-passer ». Jusque-là utilisée pour éviter les fraudes et usurpations d’identité, la biométrie va s’étendre à d’autres secteurs d’application, comme la sécurité sur Internet ou la santé. Alors, quel futur pour la biométrie ? Pour le savoir, nous avons interrogé Bernadette Dorizzi.
Quels sont les sujets d’expertise des chercheurs des écoles de l’Institut Mines-Télécom dans le domaine de la biométrie ?
Bernadette Dorizzi A Télécom SudParis, nous développons des algorithmes pour reconnaître les personnes par des modalités telles que le visage, l’iris, les veines de la main. Les recherches actuelles sont orientées vers des contextes d’images dégradées. En effet, lorsque les contraintes imposées à l’utilisateur diminuent (allongement de la distance entre l’œil et la caméra, imprécision de la position du doigt sur le capteur), les images obtenues sont de moindre qualité. Les nouveaux algorithmes en tiennent compte et permettent une reconnaissance des images en dépit de cette dégradation.
Une autre thématique concerne la détection des attaques au niveau des capteurs, tels que l’usage de faux doigts pour les empreintes digitales, de lentilles sur l’iris ou d’images de visage. Pour cela, nous démarrons des travaux très prometteurs sur les techniques de tomographie optique cohérente (OCT), qui sont des techniques d’acquisition d’images 3D non invasives et sans contact.
Enfin, nous regardons de manière plus spécifique les relations entre biométrie et vidéo : identification de personnes dans des foules, indexation par vidéo.
Quels sont les projets de R&D en cours ?
BD Nous sommes partenaires de nombreux projets nationaux et européens. Au niveau national, nous participons à des projets ANR (Agence Nationale de la Recherche) comme METHODEO, dont le but est de mettre au point une méthodologie de description de scènes dans une vidéo, ou IRISEM, un projet de recherche sur l’iris en mouvement.
Nous sommes également impliqués dans JULIETTE, un projet financé par le FEDER (Fonds Européen de Développement Régional), dans le domaine de la santé. Il a pour objectif d’améliorer la communication entre un robot humanoïde de service et son utilisateur humain, en dotant le robot d’un certain sens de l’observation. Les équipes de Télécom SudParis travaillent sur la reconnaissance du geste et de l’activité.
Citons enfin deux projets européens ITEA (Information Technology for European Advancement): IDEA4SWIFT – dans lequel Eurecom, une autre école de l’Institut Mines-Télécom, est également impliqué – et PRI-BIOSEC. Le premier a pour but d’uniformiser les systèmes d’accès aux frontières des voyageurs fréquents, en utilisant les normes du passeport biométrique. Le second vise à développer des systèmes de chiffrement capables de protéger les données biométriques contre d’éventuelles utilisations frauduleuses.
Quels seront demain les usages de la biométrie dans nos sociétés au-delà de la simple identification des personnes ?
BD L’une des problématiques de la biométrie est de parvenir à sécuriser les données personnelles. Or, cet enjeu est crucial pour le commerce en ligne, par exemple. Nous venons de signer un contrat important avec PW Consultants. Ensemble, nous allons travailler à la sécurisation des transactions commerciales sur Internet pour réduire les fraudes à la carte bancaire.
Dans un proche avenir, les techniques de biométrie seront utilisées dans les domaines de la cybercriminalité et de la cyberdéfense. Elles permettront, grâce à des techniques de détection de formes semblables utilisées couramment en biométrie, de retrouver des événements similaires dans des flux vidéos, et donc de ré-identifier des personnes, de détecter des intrusions… Ces techniques serviront également à l’indexation de séquences vidéo.
La bio
Bernadette Dorizzi est ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Fontenay-aux-Roses (1974-78), agrégée de Mahématiques et titulaire d’une thèse d’État en Physique Théorique de l’Université Paris XI. Depuis 1989, elle est professeur à Télécom SudParis. De 1995 à 2009, elle a été responsable du département Électronique et Physique de l’École. Actuellement, elle anime l’équipe de recherche INTERMEDIA (Interactions pour le multimedia). De 2004 à 2007, elle a coordonné le réseau d’excellence européen BioSecure (30 partenaires académiques, 22 pays d’Europe). Elle a encadré plus de 30 doctorants et est auteur ou co-auteur de plus de 150 publications nationales et internationales, dont 50 dans des revues de rang A. Ses domaines d’intérêt concernent la reconnaissance des formes, les techniques d’apprentissage statistique, la biométrie, la fusion hétérogène et multi-modale.
Qu’en est-il des applications sur la santé. Y aura t-il la possibilité par exemple d’expérimenter des process d’auto-diagnostic où certains indices sur le visage pourront faire détecter une affection ? Le biométrique me semble recéler des potentiels de progrès très riches.
De plus en plus d’entreprises adoptent la biométrie, mais il reste encore des obstacles à franchir
excellent article, je vous remercie pour toutes ces information utiles.