L’Atlas des e-Diasporas mondiales enfin disponible !

La Cité de l’Immigration accueille un colloque international sur les connexions transnationales des migrants, du mercredi 23 au vendredi 25 mai 2012. Ce colloque sera l’occasion de présenter l’Atlas e-Diasporas en avant-première le mercredi 23 mai à partir de 16h30.
Vaste corpus de quelque 8 000 sites observés dans leurs interactions et archivés, l’Atlas e-Diasporas constitue un objet éditorial unique, combinant diverses formes de supports : cartes imprimées, application smartphone et site Internet. L’Institut Mines-Télécom, et notamment Dana Diminescu, chercheur à Télécom ParisTech et coordinatrice du projet ANR e-Diasporas Atlas, fait partie des organisateurs.

Dana Diminescu Télécom ParisTechCinq questions à Dana Diminescu,
sociologue, enseignante-chercheuse à Télécom ParisTech, conceptrice et coordinatrice du projet e-Diasporas Atlas.

Comment le projet e-Diasporas Atlas est-il né ?
D.D : Ce projet est né dans les années 2003-2004. A cette époque, on s’est aperçu qu’il y avait une production importante et croissante de contenu sur le web produit par les migrants. Parallèlement, on a pris conscience que ce contenu était menacé de disparition. Au départ, j’ai été inspirée par le fameux site Pajol, le site des sans-papiers de l’Eglise Saint Bernard. Dans leur lutte, ces sans papiers sont rapidement passés du porte-voix au téléphone mobile et ils ont aussi créé un site militant. Ce site aussi pouvait disparaitre… Je me suis rendue compte que toute une partie de l’histoire de ce mouvement pouvait finir à la poubelle et me suis donc posée la question de l’archivage qui tout de suite a demandé une méthodologie d’exploration du web. Je me suis associée avec des développeurs en travaillant avec
des logiciels de collectes de sites automatiques, déjà existants (1).

Puis j’ai réalisé que le résultat n’était pas toujours pertinent sur le plan scientifique ce qui m’a amené à adopter une autre voie, mettre au centre de l’exploration le chercheur et son expertise en lui offrant un outil semi-automatique. C’est ainsi qu’a été créé par Mathieu Jacomy le « Navicrawler », un logiciel libre, extension de Firefox, qui a permis aux chercheurs de se déplacer « en dentelle » d’un site à l’autre afin d’explorer le web et classifier les sites de la diaspora qu’ils étudiaient. On a alors obtenu la première version d’un corpus e-Diasporas.

Dès 2006 – 2007, on avait mis au point une méthodologie suffisamment mûre pour déposer un projet
ANR. Le projet a finalement été financé par l’ANR en 2009 et labellisé par le pôle de compétitivité Cap
Digital.

Quel est le contenu de l’e-Diasporas Atlas ?
D.D : L’e-Diasporas Atlas c’est plus de 8000 sites collectés, archivés régulièrement, qui se réfèrent à une trentaine de diasporas. Pour chacune des diasporas étudiées, l’e-Atlas représente la cartographie des réseaux de cette diaspora dans le web à un instant T : on voit qui est lié à qui, qui cite qui. La lecture de la topologie des graphes pose de nouvelles questions. C’est là où le projet apporte vraiment quelque chose de nouveau et devient un outil pour le chercheur (2). Ces graphes ne sont bien évidemment pas suffisants pour interpréter ce qui se passe dans le web : il faut aussi conjuguer l’information qu’apporte le graphe avec l’analyse du contenu du site et l’expertise du terrain.

Comment l’e-Diasporas Atlas a-t-il été réalisé ?
D.D : Ce projet est totalement interdisciplinaire : il lie le monde de l’ingénierie et les sciences humaines. A chaque étape du travail, la technologie se trouve imbriquée dans les sciences sociales et vice versa.

Chaque chercheur connait bien son domaine et via « Navicrawler » ou d’autres moteurs de recherche, il constitue une première collecte de sites. Cette collecte est ensuite envoyée dans un crawler automatique pour élargir le corpus initial.
Nous avons utilisé le logiciel développé par Linkfluence, lequel est compatible avec le logiciel d’archivage du web de l’INA, conçu par Thomas Drugeon. Nos corpus sont archivés de manière hebdomadaire sur le serveur de l’INA, partenaire du projet.
Chaque corpus a ensuite été visualisé par le logiciel « Gephi » (3), mis au point par trois jeunes ingénieurs : Mathieu Bastien, Mathieu Jacomy et Sébastien Heymann. Nous avons par la suite créé une plateforme de travail qui accompagne chaque chercheur associé au projet. Cette plateforme visualise chaque corpus et fournit des données statistiques sur la connectivité des sites.
Souvent, les chercheurs ont complété ces informations par leur expérience du terrain. Soit pour valider une information découverte dans le web ou simplement pour explorer de nouvelles pistes. Nous avons aussi voulu donner une dimension pédagogique au projet. C’est pourquoi nous avons aussi imprimé des cartes qui représentent l’e-Atlas de chaque diaspora et développé une application grand public pour smartphone.

Quelles sont les découvertes de l’e-Diasporas Atlas ?
D.D : L’Atlas propose au moins deux clés d’interprétation : l’une est topologique, centrée sur l’analyse de la connectivité entre les acteurs qui s’activent sur la Toile, l’autre est qualitative : l’Atlas apporte des informations issues de l’exploration du contenu de chaque site et de la confrontation avec le terrain physique et avec l’expertise de chaque chercheur associé au projet.
Une première découverte de l’e-Diasporas Atlas consiste à observer que, dans le web, une large majorité de diasporas sont géo-localisées en Amérique du Nord, principalement aux Etats-Unis. Cette domination est encore plus étonnante lorsque la présence dans le web contraste fortement avec la présence effective des populations diasporiques dans les territoires géographiques. C’est le cas par exemple de la diaspora chinoise, népalaise ou encore de la diaspora des indiens du Kérala.
Une seconde découverte c’est que l’e-Diasporas Atlas nourrit une analyse sur les liens qui existent entre le pays d’origine d’une diaspora et les acteurs de la diaspora elle-même. Ensuite, l’Atlas permet d’observer différentes formes de mobilisation dans le web et de les analyser. Enfin, on assiste à l’émergence de nouvelles diasporas qui n’existaient pas avant l’arrivée du web et qui se sont structurées par le réseau du web. C’est le cas notamment de la diaspora ouïghour ou de la diaspora hmong.

Qui a financé le projet e-Diasporas Atlas ?
D.D : Le projet e-Diasporas Atlas a obtenu l’aide financière de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche), de la MSH (Maison des Sciences de l’Homme), et dans une proportion égale de l’Institut Mines-Télécom (Télecom ParisTech).

 

Voir le programme complet du colloque

Communiqué de presse colloque e-Diasporas Atlas 23-25 mai 2012 [PDF]

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